Exclusif : Marc Hayek, le poisson pilote

Pilote passionné de vitesse, de sensations fortes...et de fonds marins. Stoïque en toutes circonstances. Chaleureux, avenant et accessible, mais l’un des patrons les plus puissants de la planète horlogère.

Marc Hayek est un paradoxe. Poisson dans l’âme, mais pilote de course comme de la direction du Swatch Group, dont il est membre. Il préside directement au destin de ses trois marques premium : Breguet, Blancpain et Jaquet Droz.

Le Guide des Montres l’a rencontré à Baselworld, où l’homme a pris 30 minutes de son emploi du temps surchargé pour un jeu de questions-réponses d’une rare transparence.

Blancpain est très investie dans la préservation des océans. Mais à titre personnel, vous êtes pilote de sports mécaniques, dans lesquels vous avez engagé la même Blancpain. N’y a-t-il pas contradiction entre l’écologie et la seconde, aux antipodes d’une économie durable ?

Je ne crois pas. La course automobile dans laquelle l’écurie Blancpain est engagée apporte un progrès technologique que l’on ne peut pas stopper. Ce n’est pas la technologie en elle-même qui est mauvaise, c’est ce que l’on en fait. Si la technologie n’avait pas évolué, nous qui défendons les océans verrions toujours naviguer d’immenses bateaux à charbon !

Le gros problème des sports mécaniques reste de la consommation, mais les progrès sont phénoménaux. Certaines Lamborghini consomment moins qu’une voiture de route. Une large partie de l’industrie automobile innove en matière de réduction de la consommation, alors que peu de règlements, en compétition notamment, ne les y contraignent.

Vous auriez pu vous engager en course d’automobiles électriques, c’est moins polluant...

La technologie n’est pas prête. Le gros problème reste encore les batteries et leur durée de vie. 

 Marc Hayek lors d'une course Lamborghini Blancpain Super Trofeo

Quelle est la finalité du Blancpain Ocean Commitment ?

Montrer qu’il n’est pas trop tard. Il n’y a pas de fatalité. Il faut bien intégrer que l’on ne peut pas freiner les envies ni les besoins humains. La question n’est pas d’arrêter l’évolution de la médecine ou de se passer d’électricité. La plupart des idées humaines sont bonnes mais vont trop loin. Malgré cela, il n’est pas trop tard pour agir. C’est tout le sens de notre action.

Le Groupe, par l’entremise d’Omega, vient de présenter l’initiative METAS, qui conduit à l’obtention de calibres insensibles aux champs magnétiques. S’agit-il de développements applicables aux trois marques dont vous avez la responsabilité ?

Dans l’immédiat, non, mais cela commence à m’intéresser. Pour Omega, c’est fantastique, et même vital. A l’époque du seul COSC, la question du magnétisme ne se posait même pas. Avec Omega, nous avons formalisé et officialisé un contrôle de résistance magnétique. C’est une très bonne chose. Mais cela reste pour le moment beaucoup plus pertinent pour des marques de volume comme Omega ou Rolex que pour des marques de valeur.

Le silicium devient incontournable dans vos collections futures. Malgré tout, lorsque l’on voit le temps que le grand public a mis à comprendre une technologie comme l’échappement Co-Axial d’Omega, ne craignez-vous pas qu’il faille encore de très longues années pour qu’il saisisse les bénéfices du silicium ?

En réalité, la question est la suivante : est-il nécessaire que le grand public comprenne les avantages du silicium ? S’il y parvenait, ce serait formidable. A l’heure actuelle, ce n’est pas encore le cas, mais ne doit pas nous empêcher d’avancer dans cette direction. Nous avons développé cette technologie pour rester indépendants mais aussi parce qu’elle a une véritable utilité, une fonction. C’est la raison première de nos développements. Il faut toujours avoir une idée d’utilité. Ce n’est que grâce à cela que l’on peut expliquer et démontrer le bénéfice final aux clients.

 Laurent Ballesta et Marc Hayek

Suite à la hausse du franc, la plupart des marques ajuste ses prix. Est-ce plus facile dans le haut de gamme, plutôt que dans l’entrée de gamme où les prix sont déjà particulièrement tirés ?

Je ne le crois pas. Le prix est important partout. Certes, c’est un sujet effectivement plus sensible sur l’entrée de gamme. Mais nous restons prudents à tous les niveaux. La consommation est très influencée par le tourisme chinois ou russe, lesquels sont en baisse. Je reste néanmoins confiant. Ce sont des cycles.

Qu’en est-il des prochains relais de croissance ? On parle depuis des années du Brésil, du Mexique au de l’inde, mais ces marchés ne décollent toujours pas véritablement...

Je ne crois pas à l’idée de bloc homogène de pays à la croissance prochaine, comme les BRIC. Chaque pays est particulier. Il y a chez les uns des problèmes de système politique, chez d’autres de corruption, de criminalité, ou encore de taxes.

A tout cela s’ajoute le fait que la clientèle domestique se comporte très différemment de celle, fortunée, qui voyage à longueur d’année et achète durant ses déplacements. Enfin, chaque marché à ses particularités. Par exemple en Inde, où 80 % du chiffre de Breguet est réalisé par la seule Reine de Naples. Ce n’est le cas nulle part ailleurs.

Chopard, à quelques mètres de votre stand, ouvre une voie intéressante sur l’utilisation d’or équitable, dit « Fairmined ». Dans votre groupe, vous êtes déjà certifié pour l’usage de diamants équitables. Pourriez-vous aller dans le même sens avec de l’or équitable ?

Nous travaillons effectivement sur le sujet. Nous regardons cela de près. Mais il faut qu’au final cela se vende. Dans l’immédiat, je ne suis pas certain que les trois marques dont je m’occupe soient les plus concernées. Une marque comme Harry Winston pourrait davantage prendre le lead.

Comment gérez-vous ces trois marques, et notamment le fait que leurs clients sont parfois les mêmes ? N’y a-t-il pas un risque de recouvrement ?

Pas vraiment. Breguet, Blancpain et Jaquet Droz ont trois identités très fortes. Il n’y a pas de risque réel de recouvrement. Les clients sont effectivement parfois les mêmes, mais les marques sont très différentes.

Il y a comme une sorte de compétition entre elles, et c’est cela qui est beau. On le voit par exemple avec la force de Breguet sur le tourbillon et celle de Blancpain sur le carrousel. Ces deux exemples n’existent pas dans le seul but de se différencier l’une de l’autre. D’ailleurs, le carrousel existait déjà chez Blancpain avant mon arrivée. Je n’interviens pas en règle générale pour faire la part des choses entre les marques, les équipes la font très bien elles-mêmes.

 

Olivier Müller

 

Visuels © Blancpain, DR, Pritchard Media

 Marc Hayek lors d'une plongée

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