Jean-Claude Biver (Hublot) : Interview au sommet
C’est à 3000 mètres d’altitude que nous avons rendez vous. Jean Claude Biver, attablé au soleil face à un panorama à couper le souffle, desserre ses chaussures de ski et partage avec vous un morceau du savoureux gruyère qu’il fabrique. A sa droite, Tina Zegg, à sa gauche Maria Reisch. Il dit en riant qu’il a toujours su bien s’entourer.
Rencontre avec un sommet de l’horlogerie.
NS : Champion de ski, champion d’horlogerie, champion de fromagerie ? Y a t-il quelque chose que faites mal ?
(rire)Oui plein ! Mais je laisse à Sandra, mon épouse, le soin de vous répondre !
Pour le ski, même si j’ai commencé relativement tard (13 ans), la passion m’a donné des ailes et je suis devenu moniteur ensuite pour financer mes études à HEC. A cette même époque, j’étais lié d’amitié avec Jacques Piguet, dont le père dirigeait la fameuse manufacture Fred Piguet, qui fournissait des mouvements à la moitié de l’arc Jurassien. Nous nous entraînions pour le marathon et nos courses étaient ponctuées de discussions horlogères. Lors d’une réception, en 1975, j’ai rencontré Georges Golay, le patron d’Audemars Piguet dont la nouvelle Royal Oak cassait tous les codes de l’époque. Il me donne ma chance. Le succès m’ouvrait ses bras. En 1981, l’occasion de racheter Blancpain pour 22 000 francs suisse était trop belle et Jacques Piguet m’a encore épaulé dans cette aventure, un peu folle. Le monde pensait quartz, et Blancpain l’inverse. J’en ai fait le slogan de la manufacture.
NS : Sacré pari, car vous auriez pu tout perdre si le quartz s’était imposé au détriment des montres mécaniques.
Oui et je dois remercier Steve Jobs et Bill Gates ! Car la multiplication des ordinateurs des années 80 ont complètement banalisé le quartz et l’obtention de l’heure par le biais d’une pile ! Mon ami Hayek qui avait tout compris, a fait le reste. Le quartz dans le plastique des Swatchs a polarisé le marché, entre les montres à quartz d’un côté, et l’Horlogerie mécanique de l’autre. Les montres dites de luxe n’avaient d’avenir que dès lors qu’elles possédaient un mouvement mécanique à l’intérieur. C’est d’ailleurs pour cela qu’Hayek nous a racheté Blancpain en 1991 près de 200 millions de francs suisse !
Ensuite il m’a laissé les rennes d’Oméga pendant une dizaine d’année et l’explosion de l’horlogerie mécanique des années 90 a fait le reste.
NS : A cette époque, votre vie personnelle connaît un rebondissement
Oui, un cadeau de la vie. Devenir une dernière fois papa à 50 ans en 2000 a été un grand chamboulement. Je ne voulais pas que Pierre, mon fils, se plaigne d’un père trop âgé. Il fallait que je me comporte comme un jeune père. A titre personnel, je me suis racheté une paire de ski et un voilier sportif ! A titre professionnel, je me suis mis en quête d’un nouveau défi. Fin 2003, je déjeune avec Carlo Crocco à Lugano dont la marque, Hublot, peine à trouver un second souffle. La marque a une identité forte, mais les produits ne correspondent plus aux canons du moment. Je propose à Crocco de prendre les commandes de la boite contre 20% du capital, car je sens le potentiel. Grâce au talent de Mijatovich, mon copain designer, et en s’inspirant de la méthode d’évolution de la Porsche 911, nous avons réussi a créer en 2005, un big bang horloger !
NS : D’ou cette appellation peu commune en horlogerie. Le succès d’Hublot va aiguiser d’autres appetits…
Oui Hublot a connu une ascension fulgurante, en croulant sous les récompenses et les succès commerciaux. Je dois à ce titre souligner le formidable travail accompli par les équipes qui a l’époque ont pris le risque de me rejoindre. Dès lors, en 2008, lorsque le groupe LVMH nous a fait une offre, j’ai compris qu’il était pour nous indispensable de s’appuyer sur la puissance d’un groupe. Les années 2000 ont vu le marché horloger exploser sous l’impulsion des « Brics » (Bresil, Russie, Inde, Chine…) et il fallait un investisseur solide pour permettre à la marque de se doter d’un outil de production performant, comme notre usine de 6000 m2.
NS : Pour finir, parlez moi de cette dernière déclinaison « denim » qui nous a réunis aujourd’hui à Samnaun.
Nous sommes ici à 3000 mètres au cœur des Alpes Austrio Suisse, dans le village natal de Tina Zegg, Samnaun. Tina et son mari Carlo Cerlatti, sont les fondateurs de la célèbre boutique éponyme de Monaco et des grands revendeurs Hublot. Lorsque Tina est venue me voir cet automne, elle portait comme toujours, un de ses incroyables jeans dont elle raffole, et une belle idée en tête : dès lors que le jean est devenu un objet de luxe dont se sont emparés toutes les marques, pourquoi n’aurait-il pas sa place dans un cadran de montre ? L’idée est séduisante, mais il faut d’une part que la célèbre toile reçoive un traitement spécial pour ne pas qu’elle peluche, et d’autre part, qu’elle soit affinée de près de 70% pour ne pas gêner le ballet des aiguilles. En décembre, nous avons sorti un proto très encourageant. Dès lors, cette série ouvrait tous les champs des possibles en terme personnalisation, ce dont nos clients sont très friands. En Janvier à Genève, nous l’avons présenté à nos détaillants et le succès a été immédiat.
NS : Comme toujours, vous avez su convaincre LA bonne personne pour devenir l’ambassadrice Hublot de ce modèle.
Quel bonheur ! Maria Riesch, triple championne olympique et 24 victoires en coupe du monde de ski. Le plus beau palmarès de l’histoire du ski féminin ! Pour nous, cette journée de ski qu’elle nous accorde aujourd’hui entre deux épreuves du championnat, est un cadeau du ciel. Tina Zegg, l’enfant du pays, a grandi entre deux piquets de slalom. Pour le fan de ski que je suis, jamais je n’ai été aussi bien accompagné sur un télé-siège ! La station, fondée par la famille de Tina, est un diamant à elle seule. La qualité de l’accueil délivré par son père Hubert, et son frère Olivier, rend le départ encore plus difficile ! Mais demain, je dois rejoindre Nyon. Bâle approche à grand pas et Hublot va y encore déployer des trésors de nouveautés.
Interview faite par notre envoyé spécial Nicolas SALOMON
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