L'histoire de la Zénith de Jean Grégor

Jean Grégor, vous avez publié un roman intitulé Zenith, qui fait entre autres référence à la marque Zenith, pouvez-vous nous en dire plus?


Je suis un grand amateur de montres et je suis tombé un jour en arrêt devant une montre de marque Zenith, dont le fond était gravé: "A Mr Louis Cabolet, témoignage de reconnaissance de la Grande Bacnure, juin 1949". Je ne sais pourquoi mais ce nom m'a attiré. J'ai tout de suite voulu en savoir plus sur ce Louis Cabolet.

J'avais une date, un lieu, un nom: l'enquête pouvait commencer. Et le roman fait un parallèle entre la crise de la quarantaine du héros, son zénith comme certains disent, et la volonté de remonter le temps à travers ce petit objet. Concrètement, j'ai retrouvé les descendants de Louis Cabolet et d'autres témoignages qui m'ont permis de reconstituer la vie de cet homme: c'était passionnant.
 
Qu'est-ce qui vous attire dans une montre?


Je crois que la montre "en tant qu'objet qui traverse les époques" suscite une curiosité toute particulière. Bien sûr que le garde temps n'est pas le seul objet à traverser les époques, mais elle a la particularité de les traverser au poignet de nos ancêtres, donc dans leur intimité. La montre partage les moments de joie, de solitude, la montre est un témoin privilégié, et c'est une des raisons pour lesquelles, à mon sens, nous les regardons autrement.

Voyez aujourd'hui, l'engouement pour les montres dites "vintage". On est fasciné par des montres qui ont appartenu aux pilotes de la PAN AM, ou bien qui ont appartenu à des plongeurs de la COMEX. La montre comme témoin unique d'une époque, d'un moment historique, qu'il soit vécu individuellement -la fameuse "montre de mon père" que beaucoup exhibent avec joie- ou collectivement, comme la Speedmaster d'Omega, invariablement associée aux exploits spatiaux des américains.
  

 Louis Cabolet

A votre avis, qu'est-ce qui fait qu'une montre est belle?


Je crois d'abord que la beauté d'une montre et l'attrait qui peut en découler, sont soumis à un ensemble de règles invisibles, mais devenues peu à peu évidentes pour les horlogers.

Le vingtième siècle a été une grande période de tâtonnement en terme d'esthétique. Certaines époques comme les années 70 ont été fastes en créations en tout genre, mais on en a vite vu les limites: quand le boitier est trop gros, quand les formes explosent, l'harmonie disparaît et le pouvoir d'attraction avec.

Thierry Nataf l'ancien patron de Zenith l'a aussi démontré à ses dépens: explosant les cadres par des modèles aux formes disparates, il étonnait mais aujourd'hui les montres fabriquées sous son règne ne suscitent pas un réel engouement. Parmi ces règles, je pense que le mot simplicité a sa place. C'est ce qu'a compris le nouveau président de Zenith.

Sur les forums, l'on voit souvent les internautes s'extasier devant des pièces simples: une Rolex Explorer de la première génération par exemple, ou alors une Patek Philippe Calatrava. Et tout l'art du bon horloger selon moi, est d'arriver à compliquer une montre, tout en gardant cet axe de simplicité: je pense par exemple à Lange et Sohne, ou encore à Jaeger-LeCoultre avec ses déclinaisons de la Reverso.
 
Comment expliquez-vous l'engouement exponentiel de la montre de luxe ?


Depuis longtemps les grandes marques ont compris qu'une montre, c'était avant tout une image, ou encore une belle histoire. Le succès de la Speedmaster chez Omega est bien sûr dû à l'image d'exploration lunaire qu'elle véhicule, et nous avons envie de l'acheter, même si la montre qui se trouve dans la vitrine n'a, en soi, rien à voir avec la lune, je veux dire: elle a été fabriquée en Suisse et a été livrée jusqu'à l'horloger en camion, pas en fusée !

D'autres marques utilisent des figures de héros, je pense à Steve MacQueen qui serait peut-être étonné de voir qu'aujourd'hui, sa belle gueule sert à vendre des montres: son image de beau gosse casse-cou des années 70 est alors associée à une marque. Si vous regardez bien, les plus grands succès horlogers sont associés à des images d'aventures, de héros ou de destinations lointaines: la Submariner de James Bond, la Reverso des joueurs de polos en Inde, Breitling et sa mythologie des aviateurs...

En achetant ces montres, nous achetons une plus belle image de nous-mêmes. Il n'est pas impossible que les montres nous aident à vivre mieux, du moins réhaussent notre image, et ce constamment, puisque la montre nous accompagne dans tous les moments de notre vie.

Et si certaines marques n'utilisent pas l'image de Steve MacQueen, c'est à un univers de luxe qu'elles font référence, un univers où tout est beau, lisse, et sans problème. Un univers où tout n'est que luxe, calme et volupté.

 

Interview de Jean Grégor par G.B.

 

 Jean Grégor

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