Hausse des prix : ce qui va changer en 2015

 

La hausse des prix est-elle un mal nécessaire ? Jusqu’à présent, la réponse était relativement simple : elle était un mal pour le client qui voyait certains tarifs s’envoler sans raison apparente, et nécessaire pour que l’industrie horlogère puisse garantir à ses actionnaires des taux de croissance à deux chiffres. Ce simpliste distinguo n’a pourtant plus cours.

 

Ce que l’annonce de la BNS change

 

Ce qui a changé le 15 janvier 2015, avec l’annonce de la Banque Nationale Suisse, est que l’industrie horlogère s’est retrouvée dans la position de ses propres clients : la classe politique lui a imposé une hausse mécanique de ses tarifs, sans qu’elle n’aie rien demandé.

 

Elle aurait pu largement s’en satisfaire, y voyant une nouvelle opportunité pour engranger des bénéfices supplémentaires. Comme chacun sait, ça n’a pas été le cas : cette hausse impromptue s’est inscrite dans un contexte de fébrilité économique mondiale et va passablement fragiliser les ventes mais nullement renforcer les bénéfices.

 

 Banque Nationale Suisse

 

 

Des clients (hélas) coutumiers de hausses régulières

 

Certains ont pourtant la mémoire courte. Les clients sont malheureusement habitués à une hausse régulière des prix de l’horlogerie (l'IWC Portugaise chronographe a subit une hausse d'environ 50% en l'espace de 7 ans et sans aucune raison valable car le modèle est strictement identique). Lorsqu’une marque devient manufacture, à l’instar de Breitling, ses prix s’envolent. Lorsqu’elle se repositionne sur le haut-de-gamme, c’est la même conséquence. C’est encore la même envolée que l’on justifie avec la hausse du cours de l’or ou du diamant. Et il n’y a même parfois aucune raison spécifique, avec de simples réévaluations annuelles des prix, comme chez certaines marques du groupe LVMH !

 

Au final, le client sait pertinemment que les prix augmentent trimestre après trimestre, et que ses marques favorites trouveront toujours de quoi le justifier. Pour lui, la décision de la BNS ne serait qu’une justification de plus à cette liste sans fin. 

 

IWC Portugaise chronographe a subit une hausse d'environ 50% en l'espace de 7 ans et sans aucune raison valable car le modèle est strictement identique depuis le début des années 2000 ...

 

 

La théorie, la pratique, et le bon sens (retrouvé) du client

 

En économie, cette augmentation pourrait même être justifiée par la théorie de Giffen, selon laquelle certains biens sont d’autant mieux vendus qu’ils sont chers. C’est d’ailleurs l’un des piliers de la croissance du luxe.

 

Comme on peut s’en douter, l’exercice a ses limites. La première est celle de la tolérance du client. Nombre de marques considèrent que l’augmentation mécanique de leurs prix les conduit immanquablement dans la catégorie des marques de « prestige ».

 

Globalement, les marques institutionnelles ont déjà leurs clients acquis et savent qu’ils la suivront dans leur politique tarifaire. Rares sont les clients Patek Philippe ou A. Lange & Söhne a faire scandale en boutique parce qu’une 5074 P ou une « Pour le Mérite » prendrait 4%...

 

En revanche, la même stratégie est beaucoup plus tendue pour les marques de volume : IWC, Breitling, Baume & Mercier, parmi d’autres. Lorsque celles-ci tentent de basculer leur business model de « volume » à « valeur », aujourd’hui, le client décroche. Qui accepte encore de dépenser 6000 euros dans une trois-aiguilles date en acier sur base ETA ? Qui se vante de mettre 7000 euros dans un chrono neuf alors que son mythique modèle d’époque des années 50 et 60 se négocient deux fois moins ?

 

L’autre limite est celle du pouvoir d’achat des clients finaux : il n’est pas extensible. L’industrie du luxe avait pris l’habitude de la contourner en misant sur sa distribution géographique : ce qui était trop cher en Inde ou au Japon était bien positionné aux Emirats ou en Russie, et l’entrée de gamme dans un pays A  se vendait en premium dans un pays B. En somme, à chaque marché sa cible et sa plage tarifaire. Le système était conventionnel, cohérent et parfaitement rodé. Jusqu’au 15 janvier dernier. 

 

 

Un seul perdant : le client final

 

Car lorsque la BNS a choisi de faire sauter la parité Euro / Franc Suisse, c’est une seule zone qui s’est trouvée concernée – voire un pays, la Suisse, du point de vue de ses exportations. Dès lors, difficile pour les horlogers d’augmenter leurs prix dans le monde entier sans briser la cohérence de leur propre distribution. Voire de l’échiquier horloger global, car certains groupes vont sensiblement augmenter leurs tarifs...et d’autres moins, voire pas du tout, les rendant de facto plus compétitifs.

 

Le Swatch Group a ainsi annoncé une hausse globale de ses tarifs de 6% à 10%. Les indépendants, globalement, prendront la différence à leur charge. LVMH n’a pas encore annoncé de rééquilibrage global – il est probable que chaque marque tranchera selon son propre profil. En somme, chacun s’observe attentivement sans obtenir de certitude. Une seule chose est sure : seul le client sera perdant...

 

Olivier Müller

 

Visuels © DR, © Fabrice Coffrini/AFP

 

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