Chômage partiel, licenciements : coup de froid chez TAG Heuer

 

Les insolents taux de croissance et fanfaronnades des CEO l’aurait presque fait oublier : l’horlogerie est une industrie comme les autres. Et ses patrons, des dirigeants comme les autres, de ceux qui réduisent la voilure lorsque le vent tourne. C’est ce qui vient de se produire chez LVMH.

 

C’est Jean-Claude Biver qui a porté la nouvelle : la division horlogère qu’il préside va réduire son activité dans l’une de ses marques, TAG Heuer. La maison va être progressivement – mais sérieusement – repositionnée. Une annonce à laquelle l’industrie n’est pas habituée. Son écho est retentissant, en plein salon Watches & Wonders, où l’on se doit pourtant d’afficher une mine réjouie. On croirait presque entendre les protestations des Occupy Central, barricadés à moins de 2000 mètres des allées feutrées du SIHH local. 

 

 

Un impact concret sur les gammes existantes

 

Ce changement de stratégie n’est pas une simple annonce économique. Elle aura un réel impact sur l’offre de la marque. Une large proportion du TAG Heuer que l’on connaît en 2014 ne survivra probablement pas en 2015.

 

La nouvelle ligne directrice édictée par Jean-Claude Biver est celle d’un retour sur des gammes moins onéreuses : TAG Heuer revient sur le segment 1500 – 4500 euros. En d’autres termes, la marque se repositionne sur les garde-temps à base ETA et Sellita. Traduction : c’est le report du CH-80, ce calibre interne annoncé en mars 2014 et qui devait porter TAG Heuer à l’état de manufacture indépendante. L’usage de ce calibre portait en effet les gammes dans un segment proche des 6000 à 8000 euros, ce qui positionnait TAG Heuer en frontal d’un Omega, déjà très fermement ancré sur ce territoire.

 

Le passage en manufacture et la montée en gamme sont donc purement et simplement reportés. Conséquence directe : le site flambant neuf de Chevenez, dédié à la production du CH-80, est mis à la diète. 46 personnes sont licenciées dans la marque et 49 autres, sur le site de Chevenez dédié au CH-80, sont mises au chômage technique, « qui ne sera certainement pas maintenu au-delà de décembre », précise toutefois Jean-Claude Biver. 

 

 

TAG Heuer, Zenith, Hublot : chacun sa place

 

En somme, Jean-Claude Biver applique à ses trois marques ce qu’il avait déjà appliqué lors de son passage chez Blancpain (Swatch Group) : définir à chaque marque son territoire et ne pas en sortir. Au Swatch Group, le clan Hayek est le gardien des prés carrés respectifs des Jaquet Droz, Blancpain et, tout en haut, Breguet. Chez LVMH, TAG Heuer ne dépassera pas les 4500 euros, seuil au-delà duquel commencera Zenith, laissant la place nette, en haut du panier, à Hublot à 20 000 euros et au-delà.

 

TAG Heuer va subir une autre cure de minceur : celle de ses accessoires. Jean-Claude Biver a prévenu : lunettes, téléphonie et accessoires (essentiellement de maroquinerie) sont mis en pause sine die. Ce segment développé par Jean-Claude Babin n’avait jamais réellement pris. Le repositionnement de la marque en access price aux environs des 3000 euros n’a fait que conforter la décision de Jean-Claude Biver de mettre un coup d’arrêt à ces gammes, car un téléphone TAG Heuer coûte, à lui seul...2700 euros ! La marque, à qui l’on demande de revenir sur ses premiers prix, se faisait donc sa concurrence interne avec ses propres accessoires...

 

 

La montre connectée TAG Heuer en mars ?

 

Cette vaste opération de reconquête signifie deux autres choses pour TAG Heuer : a priori, la R&D fondamentale de la marque, qui avait notamment abouti à des chronographes supersoniques (Mikrogirder, entre autres), sera mise en stand-by. Les onéreuses concept watch ne sont plus la priorité. En parallèle, si les gammes sont repositionnées vers le bas, la clientèle concernée sera également plus jeune et donc plus sensible...aux montres connectées.

 

Jean-Claude Biver confirme ainsi que TAG Heuer travaille sur ce sujet. A demi-mots, il confesse qu’elles pourraient voir le jour à Baselworld 2015 (ouverture le 19 mars). Après la déception générale provoquée par l’Apple Watch, une smartwatch TAG Heuer est plus que jamais attendue au tournant. Ce serait le grand retour de la marque dans le cœur de jeunes. Et un grand apport de cash pour la marque, qui souffre d’une croissance horlogère plus faible que prévue, à +2,7% au lieu des 4 à 6% escomptés en fin d’année.

 

Olivier Müller

  

 

Visuels © xx

 

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