Le dilemme Montblanc

 

Montblanc, ex-star du groupe Richemont, est en perte de vitesse. Les derniers chiffres font état d'une situation qui, sans être alarmante, reste préoccupante. Les ventes sont en recul de 1,7%. Le résultat opérationnel est en chute libre de 64% à 43 millions d’euros. « Nous avons l’obligation de renouer avec la croissance dès cette année », réagit la marque, « nous n’avons pas le choix ».

 

Grand écart horloger

 

On ne peut tout expliquer avec les seules difficultés du marché chinois. L’on peut aussi se pencher sur la stratégie produit du géant de Hambourg. Les gammes horlogères s'étirent de la base ETA à 2000 euros jusqu'aux grandes complications à plus de 200 000 euros. Or cette hyper extension reste marginale. La plupart des marques du groupe Richemont ont clairement choisi leur place, à l'instar d'un A. Lange & Söhne ou d'un Cartier qui se partagent le haut du panier horloger, ou d'une Baume & Mercier qui monopolise le segment en dessous des 10 000 euros.

 

Au final, le positionnement de Montblanc perturbe probablement le client final. A considérer que ce dernier ait vraiment bien intégré que Montblanc ne fait pas que des stylos, ce qui n'est toujours pas, de loin, la perception la plus répandue parmi les néophytes. On ne peut leur en vouloir : l’écriture y pèse toujours pour 45% des ventes

 

 

Deus ex machina ?

 

Jérôme Lambert, ex CEO de Jaeger-LeCoultre, fut appelé à la rescousse pour remettre les pendules à l'heure. Côté pile, l'homme, marketeur de génie, a su démontrer au sein de son ancienne maison sa capacité à développer ses gammes et emporter la large, très large adhésion du public.

 

Côté face, cette propension à marketer à outrance une maison qui avait jusque là cultivé la discrétion d'une horlogerie de connaisseurs en a déstabilisé plus d'un. On a souvent reproché à Jérôme Lambert d'avoir dilué l'âme de Jaeger-LeCoultre, d'en avoir fait un "must-have" et non un vecteur de croissance pérenne. Seul l'avenir prouvera, ou non, la validité de cette hypothèse, une fois l’homme hors les murs.

 

Pomme C Pomme V

 

Dans l'immédiat, force est de constater que Jérôme Lambert a de la suite dans les idées. Malheureusement, cette suite est trop flagrante. Reprendre chez Montblanc les méthodes à succès appliquées chez Jaeger-LeCoultre est une chose, faire une copié-collé des collections de l'une chez l'autre laisse pantois.

 

C'est pourtant ce qui vient de se produire avec la révélation de la toute nouvelle collection féminine de Montblanc, Bohème. Qui n'est ni révélation, ni nouveauté. C'est la copie conforme de la ligne Rendez-vous, gamme Jaeger-LeCoultre et fer de lance de son retour au poignet des femmes. Ni une ni deux, Jérôme Lambert s'est donc empressé de répliquer ces créations chez Montblanc. En espérant qu’elles rencontrent le même succès.

 

 

La question n'est pas de savoir si la recette fonctionnera de nouveau. Ce sera très probablement le cas. Le pricing des pièces aidera : la Rendez-Vous acier de Jaeger-LeCoultre oscille entre 8000 et 9000 euros, la Bohème de Montblanc ne dépasse pas 4300 euros, avec même un « access price » à 2600 euros.

 

Les mauvaises langues diront qu'il n'y a nullement concurrence, les mouvements n'étant pas les mêmes, la finition non plus. Manqué : les collections sont toutes deux à quartz. Et les finitions Montblanc sont, en règle générale, irréprochables. Au final, les deux collections étant d'une ressemblance troublante, la cliente se posera la question du choix entre les deux. Et le contexte économique devrait favoriser, à produits d’apparence presque égale, le moins cher.

 

Cette propension de Montblanc à répliquer des créations existantes n'est pas nouvelle. Le QP de Montblanc, ce fameux "QP à 10 000 euros" présenté au dernier SIHH, est notamment la copie conforme d'un projet porté par Girard-Perregaux quelques temps plus tôt.

 

Enfin, cette ligne Bohème se complète d'une ligne joaillière pour dames. On salue cette initiative de revenir sur le segment joaillier, après les très belles collections Grace de Monaco, hélas peu suivies. Elles offraient pourtant le mérite de positionner Montblanc dans la haute joaillerie, alors que la collection Bohème, à l'instar de ses produits horlogers, lorgnent vers le grand public.

 

Cette éternelle indécision risque, une fois de plus, de coûter cher à la marque. Entre luxe accessible et haute horlogerie, on entend presque Jérôme Lambert répondre : "pourquoi choisir ?". Parce qu'avant de viser large, il faut savoir viser juste. L'avenir dira si ce grand écart emportera l'adhésion du public, sur la difficile base de créations qui manquent encore beaucoup d'audace...

 

Olivier Müller

 

 

Visuels © Montblanc, Jaeger-LeCoultre

 

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