En direct avec Bruno Grande, CEO Jeanrichard

 

Jeanrichard, la grande inconnue ? En France, comme dans beaucoup d’autres pays, oui. Car la marque, avec un peu plus de 4000 pièces par an, est au beau milieu d’un audacieux repositionnement qui la fait repartir de (presque) zéro.

 

Bruno Grande, son CEO, était à Paris pour inaugurer une collection et un partenariat avec Gully, artiste de street art exposant à l’Opera Gallery. Le Guide des Montres en a profité pour aller chahuter cet italien avenant, sûr de lui, parfaitement bilingue. 

 

Jeanrichard, c’est avant tout un homme (1665 – 1741), et non une marque, encore moins une manufacture. N’est-ce pas difficile de construire sa marque alors qu’il n’y a quasiment jamais eu de montre signée Daniel Jeanrichard ?

 

Nous n’avons jamais voulu nous situer sur le terrain de la marque Jeanrichard, car, vous avez raison, il n’y en a jamais eu de son temps. Pourquoi ? Tout simplement parce que le concept même de marque n’existait pas ! Pas plus que le copyright et, à vrai dire, l’horlogerie dans cette région. Daniel Jeanrichard en a posé les fondations, bien qu’il était forgeron de profession. Mais, poussé par la passion et l’envie de découvrir, d’apprendre, il a posé les bases de l’horlogerie, en apprenant sur une pièce qu’on lui avait confiée et qu’il a reproduite à l’identique. C’est aujourd’hui le seul non-horloger à avoir sa propre statue au Locle ! C’est cette vision, cette projection vers l’avenir, que nous voulons incarner avec la marque Jeanrichard, une philosophie de vie. Nous sommes dans sa continuité. 

 

 

Jeanrichard appartient à Sowind, tout comme Girard-Perregaux. C’est pour laisser cette dernière grandir dans le haut-de-gamme que Jeanrichard fut contrainte de se repositionner sur l’entrée de gamme ?

 

Non. Nous sommes simplement d’une taille insuffisante pour soutenir un positionnement à 9000 euros. Jeanrichard ne peut pas encore se le permettre. Chacun sa place.

 

Mais le segment entre 2000 et 3000 euros est pourtant beaucoup plus compétitif que le haut-de-gamme, non ?

 

C’est dur partout. Aucun positionnement n’est plus facile qu’un autre. Et la concurrence est quelque chose qui peut être très stimulant. Regardez Frédérique Constant. Ils sont partis de rien, et aujourd’hui, ils ont fait leur place. Nous suivons le même chemin car avec nos gammes, avec notre rapport qualité / prix, j’estime que nous n’avons pas vraiment de concurrent.

 

La marque a-t-elle l’ambition d’augmenter ses volumes ?

 

Oui. L’ambition est de les doubler. La vente se déroulera sur nos marchés où nous sommes déjà très présents, comme les Etats-Unis, l’Angleterre, et le Mexique, où nous avons 25 points de vente.

 

Et l’Europe ?

 

C’est sur notre feuille de route, oui. Mais c’est un marché plus difficile. Nous avons, en Europe comme ailleurs, un déficit de notoriété, de visibilité. Nous y travaillons activement. La bonne chose pour Jeanrichard est notre appartenance au groupe Kering. Il possède aujourd’hui une vraie légitimité horlogère. 

 

 

Vous pensez au récent rachat d’Ulysse Nardin ?

 

Sur le haut de gamme, oui, bien sûr, c’est une très belle manufacture. Mais pour le moment, on ne parle pas encore de synergies. Il est trop tôt. Les trois marques, Jeanrichard, Girard-Perregaux et Ulysse Nardin, sont totalement indépendantes.

 

Vos capacités industrielles sont pourtant partagées... C’est, en quelque sorte, l’outil de production Sowind.

 

Nous avons effectivement un tronc industriel commun mais les développements sont distincts. Chez Jeanrichard, nous avons notre propre calibre manufacture, le JR1000, très souple, sur lequel nous pouvons ajouter des modules Dubois Dépraz très performants, qui nous permettent notamment de conserver une hauteur de boîte constante, quelle que soit la complication ajoutée. Cette boîte, commune à nos quatre collections, nous offre vraiment une grande diversité de modèles possibles.

 

Le JR1000 a 10 ans. Un JR2000 serait-il en prévision ?

 

Non. Ce serait un développement onéreux donc inapproprié à l’égard du positionnement que nous voulons occuper. Qui plus est, le JR1000 est encore jeune et plein d’avenir.

 

Pour Jeanrichard...comme pour d’autres ?

Nous poursuivons effectivement une activité de private label, que je dirige également. Nous concevons de bout en bout des montres pour d’autres marques. Cela fait partie de notre culture, nous l’avons toujours fait. Cela dit, il y a eu du changement dans le portefeuille de marques blanches. Nous ne travaillons plus avec celles qui ne correspondent pas à notre image ou notre stratégie.

 

Que doit-on attendre de la marque en 2015 ?

Nous allons décliner nos 44 mm en 39 mm, à commencer par la Terrascope. Nos quatre collections (Aquascope, Terrascope, Aeroscope, 1681) ne bougeront pas. Il n’y a même pas un an que nous avons tout refondu ! Il y a encore beaucoup de travail. Les récents partenariats avec le club Arsenal, notamment, nous ont offert beaucoup de visibilité. Ces séries limitées avec Gully vont dans le même sens.

 

On vous verra prochainement à Baselworld, et non plus au SIHH, comme avant. Qu’est-ce que cela change pour vous ?

 

Nous sommes mieux à Baselworld. Certes, nous passons, à nos côtés, d’une douzaine d’autres exposants à plusieurs centaines à Bale. Mais dans le même temps, au lieu de voir une douzaine de détaillants, nous en voyons 300 ! Donc au final, le ratio est plus intéressant pour nous à Baselworld.

***

Variation de la Terrascope, la collection « Graphiscope » sera composée de 3 séries limitées de 25 pièces, signées par Gully. Ces garde-temps seront présentés à l’exposition d’Opera Gallery à Paris, du 19 septembre au 11 octobre 2014.

 

Olivier Müller

 

 

Visuels © DR, Delos Communications

 

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