Comprendre une manufacture

Manufacture ? Maison ? Marque ? Les mots fusent pour décrire une « unité distribuée de production horlogère », probablement le terme le plus juste pour décrire 90% de l’écosystème suisse de l’horlogerie mécanique.
Pourquoi la sous-traitance est obligatoire
Ce vocable industriel ne sied pourtant pas au luxe. On lui préfère donc le mot « manufacture ». L’expert avisé serait pourtant bien en peine d’en citer quelques unes qui soient totalement autonomes. Les plus évidentes sont le Swatch Group et Rolex. Cela ne signifie pas qu’elles ne font pas appel à des sous-traitants : elles le font, mais pourraient, au besoin, produire en autonomie totale. Dans la réalité, toutes les marques, même les plus institutionnelles, font appel à des sous-traitants. Il y a plusieurs raisons à cela.
La première, c’est qu’elles n’ont pas tout le savoir-faire en interne. Certains métiers sont ainsi particulièrement délicats, au plan humain comme financier. C’est le cas du décolletage, cette technique de création de vis, roues et axes. Entre la machine et l’employé qui la manipule, on estime à 1 million de CHF le prix d’un seul poste de décolletage. La qualification de l’ouvrier est également critique. Un bon décolleteur touche ainsi plus de 7.000 CHF par mois – un profil recherché.
La deuxième raison est que, par exemple dans le cas de petites série, il revient moins cher de « faire faire » que de faire soi-même. Pour les marques à gros volumes annuels (supérieures à 100.000 pièces), interrompre un cycle de production tournant en 24/7 pour simplement éditer une série limitée de 50 pièces peut être trop coûteux. Pour les éléments caractérisant cette édition limitée (une gravure spéciale, une couleur nouvelle, un bracelet inédit), mieux vaut donc les sous-traiter.
La dernière, enfin, est celle d’un pic de production ou d’un délai de livraison trop serré. C’est le cas d’une armée, par exemple, qui commande d’un seul tenant 5000 pièces à une marque qui vogue en rythme de croisière à 20.000 pièces par an : la commande ne serait pas livrable sans l’aide de sous-traitants.
Le cas Parmigiani
Le cas Parmigiani est toutefois à part. Derrière la marque se trouve la Fondation Sandoz. Cette entité historique est présente dans une multitude de domaines, l’horlogerie n’étant qu’accessoire, d’un point de vue comptable.
Pourtant, elle a agrégé toutes les composantes industrielles nécessaires à la création d’une montre. Ainsi, Elwin fait le décolletage. LAB, les boites. Quadrance, les cadrans. Atokalpa, le rouage et l’oscillateur. Vaucher, les mouvements et les modules additionnels. Parmigiani Fleurier, l’assemblage, le réglage et la finition. Dans le même giron de la Fondation Sandoz, on trouve même Hermès, via une prise de participation, et qui peut ainsi fournir ses bracelets cuir à Parmigiani. Au final, tout garde-temps sortant de l’atelier de Fleurier voit ses composants issus du même groupe, sous la houlette de Michel Parmigiani lui-même.
On ne saurait donc que prendre avec un immense recul le terme de « manufacture ». Les plus grandes marques suisses ou allemandes n’en font pas partie, malgré leur affichage dans ce registre. Le client bien avisé comprendra que « manufacture » ne veut pas dire « fait sous un même toit », mais « fait dans un même groupe ». Les marques qui tentent de le faire oublier pourraient à leur tour valoriser tout ces sous-traitants qui leur permettent d’exister et entretiennent à niveau d’inestimables métiers qu’ils n’ont pas.
Olivier Müller
Visuels © Parmigiani




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